« Des Étoiles » de Dyana GAYE : le récit d’une triple trajectoire symbolique

« Des Étoiles » est un film long métrage de la réalisatrice sénégalaise Dyana GAYE en compétition officielle au FESPACO.

« Des Étoiles » s’articule autour du récit de trois aventures menées par Sophie, Abdoulaye et Thierno.

Naïvement débarquée en Europe pour rejoindre son époux Abdoulaye, Sophie ignore tout de la vie des  Noirs en Europe. D’abord méprisante mais très vite elle comprend la situation de ses confrères. Attendant un mari parti en aventure en Amérique, Sophie se résoudra à faire autre chose de sa vie. L’Europe est une chance pour elle et elle ne compte pas retourner de si tôt au Sénégal malgré les inquiétudes de sa mère. Sophie apprend à vivre en Europe comme ses pairs. La métamorphose de cette jeune fille sénégalaise est perceptible. Elle se laisse entrainer dans les méandres de l’amour de son colocataire, le bonheur se lit sur son visage à travers les plans choisis par la réalisatrice. Comme dans ce bus qui marche, l’aventure se poursuit pour elle sur cette terre qu’elle apprend à apprivoiser.

Quant à Abdoulaye, il est pris dans le piège de l’inconnu à l’autre bout du monde. Il est contraint de faire table rase de toutes les valeurs qui étaient siennes pour résister au rouleau compresseur de l’aventure.

Thierno, sénégalais qui pose les pieds sur le sol de sa patrie pour la première fois à l’enterrement de son père n’a qu’une préoccupation : se réconcilier avec les siens. Il fait très peu attention aux projets  de conquêtes de son coeur qui anime toutes les jeunes filles de son milieu.

Quel symbolique pour chacun de ces trois acteurs ? En effet, Sophie vient du Sénégal pour s’installer en Europe auprès de son époux, Abdoulaye va de l’Europe à l’Amérique et Thierno quitte l’Amérique pour le Sénégal natal. Des mouvements migratoires qui rendent compte des différentes facettes de la migration et des impacts qu’il peut avoir sur les migrants. L’encrage de ces mouvements migratoires entache les mouvements de la caméra qui transporte les spectateurs d’une zone à une autre sans transition. Elle anéantit les frontières naturelles et artificielles qui séparent les continents. Exactement comme le déplacement de ces personnages réussit à les anéantir. De l’Afrique à l’Europe, de l’Europe à l’Amérique et de l’Amérique à l’Afrique. Une réalité cyclique qui porte une grande symbolique : l’on revient toujours à soi, à ses origines, à son être… quel qu’en soit le parcours. Le personnage de Thierno illustre cette vision  du monde. Son âge, son enthousiasme à découvrir ses racines et sa sympathie envers les siens rassurent à ce propos. En tant que Étoile,  il en est une. Une véritable star qui impressionne toutes les filles que le rencontre. Pas seulement pour sa beauté mais surtout pour son séjour en Amérique. Les séquences des rencontres entre Thierno et les filles rendent compte d’un aspect essentiel de la conception que les Noirs ont des autres continents et détermine les rapports que cela peut enjendrer. Thierno est un Américain et toutes les filles du Sénégal et par ricochet de l’Afrique rêvent de devenir sa compagne. Pourquoi un tel fait ? Une question complexe et profonde !

Sophie n’en est pas moins une Étoile dans son Europe d’accueil si l’on s’en tient à la séquence qui met fin au film. Dans cette séquences elle apparaît rayonnante de bonheur aux côtés de son Blanc. La joie qui se lit sur son visage illumine comme l’éclat d’une étoile.

Quant à Abdoulaye les sous dérobés à celui qui lui a offert l’hospitalité et qu’il appelait tendrement tonton devraient en principe faire son bonheur après tant de déboires.

In fine, Sophie, Abdoulaye et Thierno peuvent être considérés comme des Étoiles en face de ce point de vue que le film nous donne de toutes ces filles africaines qui se rendent en Occident.

 

Valentine PALM SANOU