JCFA 2016 « Quelqu’un à la porte » de Habibou Zoungrana : court, simple et efficace !

Projeté le 5 mars dernier dans le cadre des 4es Journées Cinématographiques de la Femme Africaine, le film « Quelqu’un à la porte » est un court-métrage réalisé par Habibou Zoungrana. Cette fiction de huit minutes, inspirée du poème « une visite embarrassante » de Bernadette Dao/Sanou, est un coup de projecteur, bref certes, mais interpellateur sur une société aux inégalités criardes, faite de bombance absurde d’un côté, et de misère innommable de l’autre.

Sans ambages, le film campe le décor dès l’ouverture. Images de quartiers populaires avec leurs tas d’immondices et images du quartier huppé Ouaga 2000 s’alternent. Très vite le contraste est établi. Et il s’intensifie avec un enchaînement de plans présentant des talibés dans une ruelle, visiblement, d’un quartier « non loti » auxquels s’opposent ceux de la paisible villa, où vivent une dame et son fils. Dans cette demeure, le jeune garçon et sa maman « nagent », littéralement, dans une luxuriance quasi outrancière ; tandis qu’un groupe de mendiants errent à la recherche de la pitance quotidienne. Un choix simple, presque classique, pour porter sur toile une image. Celle d’une société où richesse extrême côtoie misère extrême. Ici la demi-mesure n’a pas sa place. Sur un ton empreint d’humour, mais aussi de gravité, la réalisatrice décrit cette situation qui, projetée sur une échelle plus grande, reflète bien l’état du monde actuel. En effet, les études sur la répartition des richesses mondiales ne révèlent-elles pas le fossé abyssal, qui ne cesse de se creuser, entre riches et pauvres ? D’une part, ceux qui ont amassé, continuent d’amasser au point de ne plus savoir ce qu’il faut faire de leurs fortunes. Et Habibou Zoungrana l’illustre parfaitement quand elle met en scène ce petit garçon qui, invité à prendre son petit-déjeuner, se retrouve face à une table tellement garnie qu’au lieu de manger, s’empiffre sous le regard attendrie de sa mère. D’autre part, ceux qui n’ont rien et à qui on refuse le minimum vital. En témoigne le refus de la maîtresse de la villa de donner à manger à un « garibou » qui ne demande que cela à la porte.

Eh oui, bienvenue en « Absurdie » ! Pour emprunter le mot à Stéphane De Groodt, cet humoriste et écrivain belge.  L’«Absurdie », ce pays où la disette humaine est en passe de devenir la chose la mieux partagée. Mais ne dit-on pas, heureusement, que « tant qu’il y a la vie, il y a l’espoir » ? En tout cas, la réalisatrice y croit fermement quand on considère la chute de son film. Attirée une nouvelle fois par « Quelqu’un à la porte », la maman ne peut plus nier l’évidence. Et c’est toute la force de ce court métrage de moins de dix minutes : mettre à nu l’évidence, réalisant ainsi, un des souhaits de l’auteure de l’idée originale du film, Bernadette Dao/Sanou. Dans une interview accordée en octobre 2004 au journal en ligne « Lefaso.net », l’écrivaine et poétesse burkinabè disait ceci : « …Je voudrais qu’on n’ait plus l’excuse de ne pas être au courant ». Plus encore, « Ce que je souhaite, confie-t-elle, c’est qu’en refermant chacun de mes livres, le lecteur reste pensif et se dise : et si je faisais ceci ou cela pour que ça change ».  C’est exactement ce qui arrive avec la patronne de la villa qui, troublée par la cruelle réalité de ceux qui sont extrêmement démunis, demande à son serviteur de donner les restes de la veille au petit mendiant à la porte. Son attitude pensive qui referme le film a la magie de contaminer le cinéphile quand apparaît le générique fin.

Annick Rachel KANDOLO, (ASCRIC-B)