Cellule 512 de Missa HEBIE : la justice dans les collimateurs du septième art burkinabé

« L’œil du cyclone » de Sékou TRAORE et « Cellule 512 » de Missa HEBIE sont deux longs métrages burkinabé en compétition officielle au FESPACO

Hitler Mussolini, un nom combien évocateur est le personnage qui tient les ficelles du récit de « L’œil du cyclone ». Victime de violence sur ses parents à son jeune âge et enrôlé de force à l’armée à l’âge de 8 ans, il répond désormais à la triste appellation de rebelle. Un enfant soldat devenu plus tard un dangereux criminel. Dans les collimateurs de la justice, son défenseur amateur découvre les dessous de la politique. Elle compte sur ces découvertes et le statut  d’enfant soldat pour obtenir une peine minimale pour son client malgré les atrocités qu’il a commis sur la population. Contre son inexpérience décriée et contre vents et marrées, cette bave dame décide d’aller jusqu’au bout encouragée par un jeune avocat chargé de courrier à la cour. Elle est aidée par deux êtres contradictoires qui se résument en elle : son fort caractère et sa tendresse féminine.

Dans « Cellule 512 », une autre dame est mise en épreuve pour faire accoucher la justice à la justice. Le réalisateur ne lui donne pas une grande marge de manœuvre mais elle s’y essai, il s’agit de madame l’avocate chargée de défendre le dossier de crime accidentel de madame Kinda Honorine. Le film accorde plus de pouvoir à m. Traoré, le juge de la cour qui a plutôt le sacré privilège de rendre justice à la justice pris au piège d’un directeur de la prison corrompu, pervers et orgueilleux. Un directeur centre de la prison car tout part de lui et tout revient à lui : il est la loi et le rappel à qui l’oubli. M. Traoré use de son ami Alex le syndicaliste pour mettre le dieu de la prison à nu. Les détenues de la cellule 512 qui étaient victimes de viols, de torture, de chantage de tout genre ainsi que tous les autres détenus seront délivrées.

De façon évidente, ces deux films burkinabè problématisent la question de la justice sous des regards quelque peu divergents. Chaque film s’efforce de la rendre au dénouement de son récit avec cependant des stratégies différentes que l’on pourrait recouper. Dans « L’œil du cyclone », le juge passe par une très engagée et tenace avocate pour faire triompher la justice au nom de l’enfant soldat désormais rebelle. Dans « Cellule 512 », le juge passe par un fin syndicaliste convaincu pour assainir le milieu de la prison et permettre à madame Kinda Honorine de redonner vie à sa famille en péril. « L’œil du cyclone » confronte des acteurs de la justice sur leur scène traditionnelle pour toucher du doigt la vérité dissimulée, ils sont dans l’œil du cyclone ! « Cellule 512 » s’en tient aux déclarations des victimes pour remettre les choses à leurs places. Comme quoi toutes les voies mènent à Rome. La cellule 512 libère toute la prison des traitements inhumains du directeur et de son acolyte Bougoum le tyran.

Les deux films, dans leur combat de redorer le blason de la justice à travers la construction de juges consciencieux, dévoués et soif de justice font un point d’honneur à la gent féminine. Une façon aussi de rendre justice à cette gent féminine longtemps brimée et en manque de reconnaissance de ses compétences et sa place dans l’édification du monde. Le caractère bien trempé de l’avocate du rebelle dans « L’œil du cyclone » répond à l’intégrité et à la dignité dont fait montre madame Kinda Honorine aussi bien dans la cellule 512 que dans la cellule 513. Le rythme soutenu et le suspens qui jalonne le récit filmique jusqu’à son dénouement confère à l’œuvre de Sékou TRAORE une qualité artistique indéniable. En revanche, la linéarité du récit et son dénouement prévisible donnent un caractère commun au film de Missa HEBIE. Deux créations cinématographiques qui s’acharnent contre la débandade de la justice et bien d’autres vices dont est victime notre société. Deux œuvres qui viennent encore confirmer que le cinéma n’est pas simple distraction mais arme de combat pour tous contre tout…!

Valentine PALM SANOU