Musée des Fourneaux africains

       L’Association culturelle Passaté organise depuis décembre 2002 à Kaya, localité située à 100 kilomètres de Ouagadougou dans le Centre-Nord du Burkina Faso, le festival Wed-Bindé. Les objectifs visés par les initiateurs de ce festival consacré à la musique et aux danses de la province du Sanmatenga sont d’une part de célébrer et de valoriser les richesses artistiques de la région et- d’autre d’offrir aux artistes une tribune d’expression aux artistes.

Depuis 2006, il est également annexé au festival la Rencontre internationale des forgerons dont le but est de faire découvrir aux festivaliers, la technique ancestrale de fabrication du fer. C’est dans optique qu’il a été construit une quinzaine de fourneaux par des forgerons du Burkina Faso et leurs homologues venus du Mali, du Niger et des Etats Unis d’Amérique. L’ensemble des réalisations constituent l’embryon du musée africain de fourneaux  de réduction de minerai de fer.

IMGP2060 - CopieMalgré la richesse des données, la jeunesse africaine ignorent beaucoup de chose sur la métallurgie ancienne du fer. La raison. Les résultats des recherches dans ce domaine sont peu vulgarisés ou difficile d’accès.  La construction du Musée des fourneaux de réduction du fer de Kaya sonne comme un antidote à ces difficultés, permettant ainsi aux jeunes générations de découvrir une science longtemps pratiquée par l’homo-sapiens avant la naissance de Jésus-Christ.  Ce musée vient ainsi exhumer des entrailles du temps, les procédés qu’utilisaient les hommes de l’âge des métaux pour produire le fer. Il s’agit là d’un vibrant hommage que l’association culturelle Passaté rend aux savoir-faire des civilisations précédant le néolithique et qui manipulaient le fer avec dextérité dans toutes ses formes. La science et la technique des métallurgistes des temps très reculés ont été transmises de générations en générations pour renaître comme le sphinx au musée des fourneaux de réduction de fer de Kaya.

La rencontre internationale des Forgerons (RIF) organisée en marge du festival Wed-Bindé consiste en une démonstration des savoirs et savoir-faire traditionnels dans le domaine de la construction de fourneaux et de réduction de minerai de fer par des forgerons du Burkina Faso et d’autres venus des quatre coins du monde. Les activités du RIF ont ainsi contribué à la construction du musée de fourneaux de Kaya qui est unique au Burkina Faso et même en Afrique. Situé sur une surface d’environ 8 700 M², il est le seul site où se retrouvent regroupées en un seul endroit, les différentes manifestations des savoirs et savoir-faire des Africains dans le domaine de la métallurgie ancienne. Lors du festival, les démonstrations de la chaîne opératoire de réduction du fer drainent toutes les catégories de couches sociales de la ville de Kaya et les festivaliers  venus d’ailleurs.

Contre toutes attentes, les intempéries notamment les fortes pluviométries du : mois d’aout de 2012 ont une raison des œuvres réalisées en détériorant une bonne partie des quinze fourneaux. Heureusement le bon samaritain nommé la fondation Prince Claus a volé au secours de l’Association culturelle Passaté en lui accordant un appui financier pour la reconstruction des spécimens détruits et la mise en œuvre de mesures de protection pour une conservation durable des fourneaux. Ce travail a été confié à une équipe d’enseignants-chercheurs dirigée par le professeur Lassina Simporé de l’Université de Ouagadougou et à des professionnels de la gestion et de la conservation du patrimoine culturel.

Aujourd’hui, le musée de fourneaux de réduction de minerai de Kaya émerveille plus d’uns par les l’ensemble des pièces qui le compose. Les objets dans ce musée à ciel ouvert peuvent être regroupés en deux types : les statues en fer de récupération et les fourneaux et les forges. Les statues en fer de récupération sont au nombre de deux et ont été réalisées en 2008 par l’artiste Sahab Kouanda. La première statue est une représentation d’un forgeron en train d’activer des soufflets pour attiser le feu d’une forge. La deuxième statue quant à elle, symbolise un forgeron martelant sur une enclume, un objet sorti du feu de la forge. Les deux statues ont été réalisées à partir d’objets métalliques de récupération provenant pour l’essentiel de véhicules usagés (tuyaux d’échappement, réservoirs de carburant, phares, chaines, etc.).

Les fourneaux et les forges ont été construits avec les mêmes matériaux : de l’eau, du Yaoré (argile de termitière), du gravillon et du Sutu (paille finement hachée), de la boue de vache. Ils sont de deux catégories : les fourneaux à indiction directe ou les fourneaux tuyère et les fourneaux à soufflets. Le fourneau « boanga »  (boonse, au pluriel) s’enregistre dans la première catégorie. Autrefois, il se rencontrait dans la moitié Nord du Moogo (Pays des mossé, pluriel du Mossi). Le Boanga du Musée de fourneaux de réduction du minerai de Kaya impressionne par sa hauteur (5 à 6 m). Il a été construit par des forgerons de Saye, localité située à une vingtaine de kilomètre de Gourcy dans la province du Zondoma. Les fourneaux Bo ou Taama du Niger sont des échantillons de ce type de fourneaux qu’on trouve en république du Niger. Le fourneau Irandjiran s’inscrit dans cette catégorie de fourneau et représente un modèle des fourneaux Dogon en république du Mali.

IMGP2048Le site du musée de fourneaux de Kaya compte aussi des « Boosé » (singulier, Boaaga). Ils comptent parmi la deuxième catégorie de fourneaux, c’est-à-dire les fourneaux à soufflets. La mise à feu de ce type de fourneau se fait par le bas (côté ouest). Puis, les deux soufflets  (coté Est) sont recouverts de peaux d’animaux qui enverront de l’air par une tuyère principale. Selon la tradition orale, les boosé les plus hauts avaient la taille d’un enfant de 12 ou 14 ans, soit environ 1,5m. Le diamètre à la base mesurait entre 60 et 70 cm. Les boosé étaient toujours construits penchés vers l’Ouest d’où  un bois fourchu prévu pour les soutenir. Ces fourneaux étaient construits à proximité des habitations, dans les champs ou sous des arbres ombrageux. Les Boosé du musée des fourneaux de Kaya ont été construits par des forgerons de Dablo (dans la province du Sanmatenga) et de Bonam (dans la province du Namentenga). Pour la construction de ces fourneaux, on ajoute aux matériaux déjà cités, une botte de tige de mil qui sera utilisé comme un moule. Une seule personne avec le soutien des membres de sa famille pouvait le bâtir et assurer le chargement en minerai et en charbon de bois. La réduction dans ce type de fourneau durait quatre à cinq heures. Aussi, la durée de la réduction dépendait également de la bonne santé ou de la forme du moment de la personne qui actionne les soufflets. Les métallurgistes évitaient de travailler le jour par crainte de fortes chaleurs et les vents. Les fourneaux à soufflets Bouo et le forge de Légmoin (région du Sud Ouest)  et le fourneau Zaï de Noumoundara (Province du Houët) complète cette liste.

Les forges du Musée de fourneaux de Kaya sont des constructions réunissant le dispositif de soufflerie (récipients et leur couvercle, tuyères dissimulés) et le siège du souffleur. Ces forges ont été construites par des forgerons des USA, de Doubagolo (République du Mali), de Noumoundara, de Legmoin et du Mogho.

Les quinze forges et fourneaux du musée de fourneaux permettent aux festivaliers de découvrir le processus de réduction du minerai de fer mais aussi et surtout de connaitre les propriétés du fer et son utilisation de façon efficiente.

En effet, le fer est l’élément chimique qui a aidé l’Homme à se hisser hors des âges de la pierre et qui a conduit l’humanité à la révolution industrielle. Selon les informations prises sur le site  web www.festivalwedbinde.org ,  les premières preuves de l’utilisation du fer remontent à environ 4000 av. J.-C. chez les Égyptiens et Sumériens. En 1 000 av. J.C. environ, la métallurgie du fer concernait la Grèce, la Thrace, la Turquie, le moyen-Orient et le nord de la péninsule arabique. Au VIIe  siècle les Grecs savaient produire de l’acier par cémentation dans les fours de potiers. Vers 550 av. J.C., l’extension de la métallurgie du fer est considérable et couvre pratiquement toute l’Europe. Le site web du festival précise  toujours que « si la technique du travail du fer s’est exporté dans le Nord de l’Afrique à partir de la Nubie, une métallurgie du fer est apparue dans l’Afrique intertropicale dès le début 1er millénaire av. J.C. au Niger, au Kenya puis au Tchad Il est désormais prouvé que l’Afrique a développé l’industrie du fer de manière endogène dès la fin du 3e millénaire av. J.C. ». Pour ce qui est de l’actuel territoire du Burkina Faso, le dossier de presse du festival précise qu’ « on réduit le minerai au Ive siècle avant Jésus-Christ (…). Une autre datation indique que le Burkina Faso dispose de la production de fer la plus ancienne en Afrique occidentale à l’Ouest du Niger au VIIIe siècle avant Jésus- Christ ».

Le fer est capable de former des alliances avec nombre de ses voisins comme le cobalt, le nickel, le vanadium ou le manganèse. Il est classé au quatrième rang des éléments dans ce qui concerne l’abondance selon le poids.

Le fer n’existe pas à l’état pur dans la nature comme l’or par exemple. Il est toujours mélangé à de la gangue (impuretés). La réduction consiste à séparer les particules de fer de la gangue. Cette séparation se fait dans un fourneau où l’on charge minerai et charbon de bois sur un lit de paille. S’en suit une mise en feu de la paille ; le feu de la paille va enflammer le charbon de bois. La chaleur produite par le charbon va provoquer une fonte de la gangue et permettre aux particules de fer de se regrouper. A un moment donné, le métallurgiste fait une ouverture au bas du fourneau pour faire couler la gangue hors du fourneau. A partir de ce moment, cette gangue est appelée scorie et prend la couleur noire. Après refroidissement, on récupère les particules de fer qui se sont agglomérées au fond du fourneau. Elles prennent en ce moment l’appellation loupe de fer. La loupe du fer est transmise aux forgerons afin qu’ils fabriquent des d’objets et des outils indispensables à la vie de l’Homme: Daba, couteau, hache, pioche, pic, bracelets, etc.

Le fer est également utilisé sous forme d’acier dans la construction.

Le fer métallique et ses oxydes sont utilisés depuis des décennies pour fixer des informations analogiques ou numériques sur des supports appropriés (bandes magnétiques, cassettes audio et vidéo, disquettes). Il est entre autres, employé dans la fabrication du fil de fer. Il  est essentiel au transport de l’oxygène et à la formation des globules rouges dans le sang. Le fer joue aussi un rôle dans la fabrication de nouvelles cellules, d’hormones et de neurotransmetteurs. C’est un métal qui, en fonction de la température, se présente sous plusieurs formes.

Abraham Bayili