Toute mort est une déchirure. Surtout celle d’un président dans la fleur de l’âge qui tombe en plein jour sous les balles de ses ennemis. Qu’on l’ait aimée ou non, la victime ne laisse personne indifférent. Lorsque, le 19 mars 1977, aux premières heures du matin, les Congolais apprennent que le commandant Marien Ngouabi a été assassiné la veille, le ciel leur tombe sur la tête.
Ils sont d’autant plus désemparés que le ministre de la Défense nationale, Denis Sassou Nguesso, qui annonce la triste nouvelle à la radio, précise : « L’impérialisme aux abois, dans un dernier sursaut, vient, par l’entremise d’un commando-suicide, d’attenter lâchement à la vie du dynamique chef de la révolution congolaise, le camarade Marien Ngouabi, qui a trouvé la mort au combat, l’arme à la main, le vendredi 18 mars 1977 à 14 h 30. »
Né le 31 décembre 1938 à Ombélé (Nord) dans une famille très modeste, Marien Ngouabi, haut comme trois pommes, a laissé à ses compatriotes l’image d’un président aux goûts simples et à la modestie exemplaire. Il est le seul chef d’État en exercice au monde à s’être inscrit à l’université (au début des années 1970) pour préparer un diplôme de physique, en s’y rendant comme n’importe quel étudiant.
C’est aussi l’un des rares, à son époque, à rouler dans une modeste Peugeot 504. « D’autres responsables passent trois mois en Suisse, trois à Nice. Moi je consacre tous mes loisirs à mes études, disait-il. Quand j’étais capitaine, on ne me voyait pas le samedi, comme les autres, dans les boîtes de Poto-Poto. » Sa volonté farouche de savoir le conduira, ce qui n’est pas banal pour un président, à dispenser des cours à l’université de Brazzaville, qui porte aujourd’hui son nom.
Au cours des années 1960, la République du Congo est dirigée par un régime socialiste révolutionnaire mis en place par Alphonse Massemba-Débat. Celui-ci est renversé en 1968 et remplacé par le capitaine Marien Ngouabi. La République populaire du Congo adopte alors un modèle de développement marxiste-léniniste orthodoxe.
Le premier président de la République du Congo après l’indépendance, l’abbé Fulbert Youlou, fut renversé en 1963 par Alphonse Massemba-Débat, qui instaura alors un régime à caractère socialiste. Le nouveau gouvernement fut cependant déchiré par des conflits idéologiques et des luttes intestines. Le président craignait également une insubordination possible des forces armées. L’élection présidentielle du 22 juillet 1968 entraîne un nouveau conflit. Comme personne ne se présente, Massemba-Débat décrète le 27 juillet qu’il continue dans ses fonctions. Il ordonne aussi l’arrestation d’un rival, le commandant Marien Ngouabi, l’accusant de fomenter un coup d’État. Toutefois, Ngouabi est libéré le 31 juillet par des paras du régiment qu’il a fondé en 1965. Le 2 août, ceux-ci s’emparent de la prison de la capitale, Brazzaville, et libèrent tous les prisonniers politiques. Le 5 août, Ngouabi forme un Conseil national de la révolution.
Massemba-Débat démissionne et Ngouabi prend la direction du pays dont il devient formellement président le 31 décembre. Un an plus tard, le 31 décembre 1969, il fonde le Parti congolais du travail (PCT). La République populaire du Congo adhère alors au communisme et adopte une ligne marxiste-léniniste orthodoxe. Il devient une république populaire et des milices populaires assistent l’armée dans la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme.
Malgré l’autoritarisme du régime, les conflits ethniques et les dissensions idéologiques perdurent. Ils seront à l’origine de l’assassinat de Marien Ngouabi, le 18 mars 1977. Celui-ci était devenu un véritable mythe dans son pays.
Depuis lors, Denis Sassou Nguesso qui était ministre de la défense s’installe progressivement aux commandes. L’ennemi est toujours dans la famille !
Bassirou Sawadogo