Que valent les droits d’une femme et d’une petite fille ?
Jusqu’en mai 2019 j’étais certaine que la justice des hommes en notre monde
sert bien à maintenir un équilibre indispensable à nos libertés et notre sécurité́.
Mais avec effroi je découvre que nos droits ne pèsent pas le même poids dans la
balance de mère Justifia selon que nous soyons femme travailleuse ou pas, noir
ou blanc du point de-vue de l’Europe ou de l’Afrique.
Depuis le 30 octobre 2019 il existe un mandat d’arrêt
international, indice rouge à mon encontre, pour enlèvement, séquestration et
prise d’otage. J’ai été́ arrêtée d’abord au Sénégal, lors d’un voyage pour un
spectacle à Dakar, les autorités sénégalaises en vertu des accords CEDEAO et
d’un manque de précision dans le dossier ne coopèrent pas pour une extradition.
Ils signalent la situation à Interpol au Mali. À mon retour à Bamako le 4
novembre 2019 Interpol me convoque et m’entend. Interpol Bruxelles est averti du
fait que l’enfant signalée comme disparue est aussi de nationalité́ malienne et
vit au Mali avec sa mère depuis 2015. Interpol à Bamako me demande de les
tenir au courant de mes déplacements rester à leur disposition pour la suite
de leur enquête qui sera en fonction de la réponse d’Interpol Bruxelles.
J’arrive à Paris le 25 novembre 2019, pour prendre un deuxième avion à
destination de Moscou où je devais travailler dans une pièce de théâtre, je
suis arrêtée à la sortie de l’avion par trois agents de police qui étaient spécialement
venus m’accueillir/me cueillir, et Je suis amenée à un poste de police à
Roissy, mes empreintes digitales sont relevées, prise de photos, je suis enregistrée
comme criminel coupable d’enlèvement, de séquestrations et de prise d’otage, je
passe la nuit dans une cellule de 110/220 cm, avec W-C turque intègré. Je suis
présentée menottée à l’avocat général à la cours d’appel de Paris qui décide
de me laisser librement me rendre à Bruxelles m’expliquer au juge d’instruction
ayant émis le mandat d’arrêt international pour enlèvement, séquestrations et
prise d’otage.
Mon avocat prend contact avec le juge d’instruction à Bruxelles
afin de s’assurer que je puisse arriver jusqu’à son cabinet, entendre ce dont
on m’accuse, m’expliquer. Le juge d’instruction belge pose comme condition à
la levée du mandat d’arrêt international, afin que je puisse me rendre à
Bruxelles, la remise de l’enfant à son père.
Ma fille affirme avoir subi des gestes d’attouchement de son père.
– Le père en apprenant les propos de l’enfant, et tout en résidant à Marseille
où il travaille, engage une requête auprès du tribunal en droit de la famille
à Bruxelles pour que lui soit fixé un droit de visite et que son autorité́
parentale soit prise en compte. Nous n’étions pas mariés civilement et n’avions
pas vécu en couple dans un domicile commun en Belgique. Je vivais au Mali avec
mes deux enfants de manière très officielle. Mais il n’y avait jamais eu de
refus de son droit de visite, ni de non- respect de son autorité́ parentale.
– Le juge à Bruxelles s’octroie la compétence juridictionnelle malgré́ le fait
qu’aucune des parties ne vit en Belgique. Mais celui qui a porté́ plainte est
belge résidant en France.
– Le juge décide de
ne pas prendre en compte les certificats de fréquentation de mes enfants dans
des écoles internationales à Bamako afin de déterminer ma réelle résidence et
celle de l’enfant dont il est question dans le dossier qu’elle a décidé́ de
s’approprier.
– Je suis accusée de mes voyages pour mes concerts et mon rôle d’ambassadrice
de bonne volonté́ de l’UNHCR qui ne me laisseraient pas, selon la partie
adverse, le temps d’être une bonne mère. Mais il n’y a aucune preuve de la fréquence
de mes voyages et mes absences de la vie de mes enfants dans le dossier. Au
vingt et unième siècle il ne serait apparemment pas permis à une femme artiste
avec une respectable carrière d’être aussi bonne mère.
– Il m’est reproché de vexer le juge à Bruxelles en étant pas présente
physiquement aux audiences. Mon avocate belge de l’époque m’explique « le juge
a particulièrement mal pris votre absence ». Je lui demande si elle n’avait pas
rappelé́ au juge que je vis à Bamako et que les billets d’avion coutent chers,
en plus de mon hébergement à organiser pour chaque audience, en plus des frais
d’avocat ? L’avocate me répond : « bien, il faudra vous débrouiller pour être présente
à la prochaine audience ». Le fait que j’avais veillé à trouver des avocats
pour me représenter comme j’ai pu à chaque fois en habitant sur un autre
continent n’avait aucune importance, le juge ne comprenait pas mon absence.
Sachant qu’elle avait dans le dossier toutes les preuves de ma vie et celle de
mes enfants en Afrique. Elle avait également les preuves que j’avais mes deux
enfants à charge. Le père lui-même explique dans son dossier ne pas être en
mesure de contribuer à la vie de son enfant.
– Compte n’est pas tenu d’affirmations de ma fille de quatre ans expliquant des
gestes attouchements de son père.
– Une décision de justice belge me retire la garde de l’enfant, l’attribue au père
qui n’a jamais vécu avec elle, ne s’est jamais occupé́ d’elle que pendant des périodes
courtes de vacances.
– Je dois amener mon enfant et la remettre au père en Belgique, alors que ce
dernier affirme l’avoir inscrite dans une école en France à Marseille. Le juge
précise bien que le père inscrira l’enfant dans l’école de son choix.
– Aucun droit de garde n’est défini pour moi, aucun droit à un avis sur l’école
dans laquelle le père l’inscrirait, ou le genre de vie qu’il lui organiserait
en étant célibataire, directeur d’un festival important et absent au moins deux
semaines par mois pour son travail.
L’enfant est de nationalité́ malienne aussi, elle vit à Bamako avec moi depuis
sa naissance, elle y fréquente une école internationale depuis 2017.
Au moment de la décision du tribunal de Bruxelles confiant sa garde au père son école avait repris depuis deux mois. Le père n’a fourni aucune garantie de lui faire continuer sa scolarité́ dans le même type d’école.
Je suis accusée de non-présentation d’enfant transformée en enlèvement,
séquestrations et prise d’otage malgré́ le fait que mon enfant va à l’école
depuis aout 2017 à Bamako où nous vivons.
Il ne m’a jamais été́ notifié de mandat d’arrêt émanant de la Belgique ou de
convocation avant ma première arrestation à Dakar où je découvre que je suis recherchée
par Interpol sans réussir à comprendre comment ? Pourquoi ? À l’époque mon
avocat belge explique qu’en raison du nombre important de juges d’instruction
il n’avait pu avoir d’information sur celui qui avait émis le mandat d’arrêt
international pour un enlèvement d’enfant. Il n’y avait pas eu d’enlèvement
d’enfant. Pourtant la justice Belge a mes coordonnées, mon email, mon numéro de
téléphone portable français. Une citation à comparaitre m’avait bien été́ envoyée
par email un 1er mai et avait été́ validée par le juge aux affaires familiales
belge auparavant.
Apparemment seule la Belgique pourrait lever ce mandat d’arrêt international.
Le fait que je sois une mère normale, honnête avec une décision de garde
exclusive de mon enfant par un système de justice en Afrique où nous vivons
n’y change rien. Malgré́ le grand respect que j’ai pour la justice et ses représentants
en tout ce que je fais et partout où je vais dans le monde, je ne peux livrer
ma fille dans de telles conditions. Selon ce que m’a affirmé́ mon deuxième
avocat belge, une décision exécutoire, dans le cadre d’un jugement définitif en
première instance ne me laissait aucun choix malgré́ la possibilité́ d’appel
qui n’est pas suspensive. Il n’y avait aucun recours selon cet avocat pour
demander que l’enfant reste dans sa vie habituelle pour au moins achever l’année
scolaire et le temps de la procédure d’appel. Il est clair que le jugement ne
prend pas en compte les perturbations certaines de l’enfant du fait de la
retirer de l’environnement qu’elle a toujours connu, la confier à un père dont
on ne sait pas comment il s’organiserait pour s’occuper d’un enfant de quatre
ans qu’il n’avait jamais enlevé́ auparavant, puis éventuellement la remettre à
nouveau à sa mère selon l’issue de la requête d’appel. Les délais en matière
d’appel à Bruxelles accusent un retard d’un an en ce moment selon mon troisième
avocat belge.
En Belgique les enfants seraient traités comme s’ils étaient un bien matériel
qu’il est possible d’octroyer, retirer et réattribuer dans n’importe quels
environnements. Ou alors ce traitement concernerait-il uniquement des enfants nés
de mères porteuses noires qui n’ont aucun droit et dont les enfants n’ont aucun
droit en dehors de leur belgitude ? Je suis terrorisée, ma liberté́ entravée,
ma carrière en danger. Je suis poursuivie au même titre que les criminels de
haut niveau par ce qu’un juge a clairement décidé de placer les intérêts d’un
belge avant les droits d’un enfant et ceux d’une femme qui n’a commis d’autre
crime que de protéger son enfant.
Aucun compte n’est tenu de la souveraineté́ du Mali. Malgré́
tout, ce pays reste un Etat où séjournent encore aujourd’hui des
ressortissants européens dans le cadre de coopérations internationales.
Jusqu’à preuve du contraire le Mali est un Etat indépendant dont les
ressortissants ont des droits. Moi et mes enfants sommes maliens, j’ai fait le
choix de les enlever au Mali. Je travaille et réussi ce choix honnêtement et
dans le respect des lois.
Je suis choquée, de la facilité avec laquelle des moyens judiciaires et sécuritaires
internationaux élaborent à la base pour assurer la sérénité́ la meilleure
possible pour les citoyens de tous les pays peuvent être détournés à des fins
de persécution d’une mère inoffensive et honnête, sans aucun antécédent
criminel connu dans le système judiciaire, sans aucune perturbation
psychiatrique connue et dont la résidence et l’identité́ sont parfaitement
connues de tous.
Il serait plus simple d’entreprendre une procédure d’exéquatur avec le Mali,
pays clairement indiqué comme ma résidence avec mes enfants.
Pour quelle raisons est-ce que ce n’est pas le cas dans une affaire en droit de
la famille où les identités et résidences de toutes les parties sont connues ?
Par ce que l’Europe est toute puissante ?
Encore de nos jours, si les enfants métisses ne sont plus retires de mères
esclaves ou sous domination coloniale, si désormais noirs et blancs partout
dans le monde partagent les mêmes espaces publiques et sont officiellement égaux,
les droits d’un père blanc belge auraient quand même plus de poids que ceux
d’une mère noire et une petite fille métisse ? L’audience d’appel est prévue en
mars 2020. Je ne pourrais m’y rendre si je suis toujours accusée d’enlèvement séquestration
et prise d’otage et que je suis pas allée m’expliquer avec le juge
d’instruction à Bruxelles, avec le risque d’une condamnation à la prison de
toute façon.
N’ayant pas respecté́ la décision de justice belge et livré ma fille en
Belgique pour les raisons expliquées plus haut, je suis effectivement coupable
de non-présentation d’enfant, un délit, un dossier en correctionnel. Mais
techniquement il n’y a pas eu d’enlèvement, puisque l’enfant était à Bamako
où elle vivait avec des attaches vérifiables depuis au moins 2017. Aucune décision
de justice confiant l’enfant à son père, ou définissant les modalités d’un
droit de visite pour le père n’existait avant la décision de justice belge
datant d’octobre 2019. L’irrégularité́, en raison de la non-compétence
juridictionnelle de Bruxelles, de la procédure ayant mené́ à cette décision ne
peut être reconnue éventuellement qu’à partir de l’appel afin que moi-même et
l’enfant soyons remis dans nos droits.
En plus du fait qu’à ce jour je ne suis pas libre de voyager et travailler, si
je ne peux me rendre en Belgique pour l’audience d’appel, mon droit d’appel
serait automatiquement annulé selon la justice belge.
Selon les avocats, j’aurais deux choix à ce jours :
1- Amener ma fille et la livrer en Belgique en attendant la fin de la procédure
d’appel, puis éventuellement récupérer l’enfant dans au moins plus d’un an si
la non- compétence juridictionnelle de Bruxelles est reconnue, ou que le soupçon
d’attouchements du père était sérieusement pris en compte. En attendant je
n’aurai aucun droit de visite, aucun avis possible sur ce que le père ferait
avec l’enfant y
Compris éventuellement l’amener vivre où il voudrait dans le
monde avant la fin de la procédure d’appel.
2- Privilégier l’épanouissement, l’équilibre et la sécurité́ de mon enfant, ne
pas la livrer en Belgique et rester confinée avec elle au Mali en attendant ses
18 ans, changer de vie professionnelle si je peux afin de continuer à gagner
ma vie et continuer à assumer mes deux enfants. Dans ce cas je demeurerais une
criminelle recherchée pour enlèvement, séquestration et prise d’otage. Cet
intitulé d’accusation me vaut une alerte indice rouge dans le système de
recherche INTERPOL. Ce qui implique un niveau de vigilance requis pour les
terroristes et les grands criminels.