Un film d’actualité dira-t-on au regard du sujet traité par Zongo : l’or. Mais la thématique des pépites précieuses avait déjà connu un traitement à l’écran avec la fiction en 2006 par le journaliste écrivain Boubacar Diallo avec son film L’or de Younga. Le documentaire de Michel K. Zongo qui reçoit une mention spéciale de la part du jury à cette 30e éditions Journées cinématographiques de Carthage 2019 révèle une dramaturgie particulière qui peut être regardée de près.
La note du Western
Ce n’est pas seulement le paysage du Nord du Burkina notamment celui de Kalsaka qui se prêtre à cette illusion de la représentation de ce genre cinématographique propre à l’Ouest américain avec un physique de roches et de végétations sans verdures. Les images des randonnées et chevauchées de ces trois cowboys pris dans leur mouvement s’associent également au rendu voulu par la mise en scène. Au-delà de leur récurrence visuelle d’ensemble, il faut voir une symbolisation qui rencontre l’idée de « trois mousquetaires » qui pillent les ressources de Kalsaka. Cette image des exploitants épouse naturellement le point de vue de Zongo sur la question minière dans ce contexte filmique. Les exploitants sont plus qu’un trio. Cette subjectivité évidente du réalisateur choisi le documentaire pour construire un plaidoyer. Même si la production audiovisuelle en question présente par moments quelques motifs qui caractérisent le film de fiction qu’est le western. Comment il structure les autres aspects de son récit ?
La résonnance africaine : la projection-identification
La figure de l’homme au petit tambour relève du langage symbolique, il s’agit certainement de faire coïncider un regard comme celui du documentariste. Le personnage signe sa présence dans le film chaque fois par l’instrument qu’il dispose. Dans l’Afrique des traditions, les signaux de ces objets est une science. Un langage fort codé qui mérite attention ! Comme quoi ledit message dans le contexte est un rappel. La fonction de lanceur d’alerte n’est donc pas nouvelle, c’est peut celle-ci qu’exerce le documentariste avec ce film dans un langage qui lui est sien. Autrefois, « le lunga », ce tambour d’aisselle servait à envoyer des forts appels. Dans ce cas précis de crise relatée par le film de Zongo, il s’agit de dire aux adeptes du cinéma négro-africain que ça ne va pas. Tout de même, un langage pareil reste à décrypter à l’intérieur d’un autre langage dit moderne qu’il le porte. Cela s’apparente là, à un artifice pour la valorisation d’un savoir-faire typiquement africain au regard des inserts réguliers de la camera sur cet objet. Une mise en scène qui s’incruste pas seulement au niveau du visuel ; la bande-son articule le discours non verbal et l’alterne aux paroles des interviewés pour créer cet effet de la poésie négro-africaine cultivé comme modèle chez un scénariste comme Jean Marie Adiaffi avec « Au nom du Christ », film qui se trouve être couronné par le Fespaco 1993. Il y a donc là un effort de renvoi esthétique au terroir de Zongo et qui tient en « champ contre champ » les figures de cow boy dans un équilibre d’image contre le son. Deux mondes culturels coexistent aussi dans une œuvre qui traite de deux visions économiques différentes. Somme toute, le point de vue idéologique développé par le film avec les intermèdes des battements de cet instrument de musique n’est pas du vent. Le scenario l’utilise pour un rappel sur la situation de désastre en cours.
De la titraille
Le ressenti du désespoir prend forme dans l’élaboration de ce film avec l’accroche du choisi par le réalisateur Michel Zongo. Un discours qui fait focus sur la qualité de l’eau, la dégradation des sols cultivables, la mort par intoxication des petits ruminants; bref «L’envers du décor» pour emprunter un titre romanesque de l’écrivain burkinabé Mathias Kyelem. Si l’environnement dans son sens écologique est affecté, que dire alors de celui où plusieurs séquences de visages humains sont présentées ? Le bonheur tant attendu et promis par l’ouverture de la mine produit un effet contraire comme le laisse voir les répliques des personnages dans les entrevues. Une écriture assumée certes pour ce film documentaire de Michel Zongo. Tous les sons de cloche ont la même amplitude : « Pas d’or pour Kalsaka ».
Hector-Victor KABRE, Critique de Cinéma, ASCRIC-B