Adjaratou Ouédraogo, La peinture comme moyen de communication

Adjaratou Ouédraogo fait partie du cercle réduit de femmes peintres au Burkina Faso. Elle est peu bavarde mais est très expressive dans sa production picturale. Tendez-lui un micro et elle ne vous dira presque rien.  C’est sur ses toiles qu’il faudra apprendre à la connaître et à la découvrir réellement.

 
Adjaratou Ouédraogo parle peu de sa personne encore moins de son travail. Une attitude antagoniste au physique et au charme de cette fille Burkinabè née au Togo. Elle incarne une personne à double face. Une fille ordinaire respectueuse, toujours en pantalon jeans d’une face et l’artiste talentueuse et active qui peint en solitude dans son atelier et qui refuse de parler de sa peinture de l’autre face. Pour savoir quelque chose d’elle, il faudra prendre rendez vous avec son œuvre. Prendre le temps qu’il faut pour admirer, regarder et observer ses toiles d’où sortent le plus souvent sa personnalité et ses pensées. C’est sans doute pour cela qu’elle s’efface complètement  pour laisser la tâche au visiteur de lire, d’imaginer et d’interpréter son travail. Ce qui est récurrent dans ses tableaux, c’est la prédominance de l’ocre. Il s’agit là du sol latéritique des rues de Ouagadougou notamment celles de son quartier les « 1200 logements » et aussi les voies poussiéreuses du quartier « ouidi » là où se trouve l’ « hangar11 » son lieu de travail. L’ocre qu’elle utilise donne à ses œuvres la quintessence d’une atmosphère crépusculaire. « La musique dit on adoucie les mœurs », la peinture d’Adjaratou Ouédraogo en fait autant. En effet, elle utilise quelques pigments tel le jaune, le noir et le blanc qui apportent de l’éclat et de la gaieté à ses tableaux. Le blanc est utilisé pour donner une forte présence aux quelques personnages que l’on retrouve sur ses toiles. Trouvons un genre propre à l’artiste et appelons la peinture empirique. Qu’est ce à dire ? Les tableaux d’Adjaratou sont fonction de ses humeurs, de son vécu quotidien et des scènes de vie qu’elle rencontre. Une de ses toiles s’intitule « la solitude ». Elle l’a réalisée quand elle se sentait effectivement seule.[1] Une autre toile présente dans sa collection lors de l’exposition « les femmes peintres » du 10 au 22 décembre 2007 à la galerie des arts de l’Espace Culturel Gambidi (ECG) de Ouagadougou se nomme « la réunion ». La toile présente une scène de vie communautaire à l’instar des réunions familiales ou des rencontres sous l’arbre à palabre. Les jeunes prenant une tasse de thé sous un arbre sont par exemple en amont la source d’inspiration qui a conduit à la gestation de la toile susnommée. Beaucoup plus portraitiste, Adjaratou utilise du copeau et de la sciure de bois et de la terre qu’elle modèle en dessin ; tous ces éléments sont fixés sur ses tableaux avec de la colle. Cette technique permet également d’équilibrer les ombres et les lumières. Certes il est vrai qu’il est difficile d’arracher des mots à l’artiste, cependant les quelques petites phrases qu’elle prononce justifient l’utilisation du batik que l’on retrouve sur presque toutes ses toiles. A voir de près, un tableau avec une dominance du rouge ocre plus du batik pourrait être la signature et la spécificité de l’artiste. «  Les gens ont tendance à négliger et à oublier le batik. C’est la raison pour laquelle je l’utilise pour le valoriser » fit elle savoir. Effectivement c’est avec le batik qu’elle débarque dans les profondeurs culturelles pour donner un sceau particulier à son pinceau.

La peinture et Adjaratou  Ouédraogo sont unies depuis le bas âge de la jeune fille.  Elle développe depuis son enfance une passion pour la peinture. Après avoir réalisées plusieurs portraits de personnages qu’elle affectionne au collège et surtout en classe de cinquième, Adjaratou se rend compte qu’elle est capable de faire carrière dans la peinture. De ce pas elle décide de se lancer dans des études d’architecture afin d’assouvir son désir. Mais sous l’influence d’un de ses frères aînés, elle est orientée vers des études de comptabilité où elle obtient le baccalauréat G2  en 2005 dans un établissement technique de Ouagadougou. Malgré ses aptitudes de comptable, Adjaratou Ouédraogo n’a qu’une passion : la peinture. « Avec la passion on peut déplacer des montagnes » disent les sages grecs. Issue d’une famille polygame[2] avec de nombreux frères et sœurs et hautement attachée aux valeurs islamiques, la jeune Adjaratou voit le jour le 26 mai 1981 à « Tokoin séminaire » un quartier en plein cœur de Lomé la capitale du Togo.

Abraham. Bayili

bayiliab@yahoo.fr