THE BRIDE de Myriam Uwiragiye Birara : Quand le cinéma rwandais revisite la douleur et la résilience des femmes

La beauté de l’affiche du film The Bride (La Mariée) attire d’abord par son élégance visuelle. Mais au-delà de cette première impression esthétique, elle nous ouvre la porte d’un récit bouleversant, profondément ancré dans les réalités d’un Rwanda encore meurtri par l’histoire. Trois ans après le génocide contre les Tutsis, Myriam Uwiragiye Birara signe, avec The Bride, une œuvre où l’intime rejoint l’universel : celui de la souffrance, du silence et de la dignité féminine face à la barbarie des traditions.

The Bride raconte l’histoire d’Eva, une jeune fille qui rêve d’étudier la médecine. Enlevée et soumise au Guterura, une pratique traditionnelle qui consiste à contraindre une fille d’épouser son ravisseu. Abandonnée par sa propre famille, Eva incarne à la fois la douleur d’une génération et la résistance silencieuse de toutes les femmes victimes de traditions ancestrales.

Myriam Birara s’empare de ce sujet avec pudeur et puissance. À travers une mise où chaque plan fixe respire la poésie et la tension, la réalisatrice fait de la forêt rwandaise un personnage à part entière : un lieu à la fois paisible et étouffant, miroir de l’enfermement d’Eva. La nature, belle et menaçante, devient le décor symbolique d’une société où le poids de la coutume écrase les désirs individuels.

Un cinéma de la retenue et de la suggestion

Le talent de Birara réside dans sa capacité à filmer la douleur sans la montrer. Les scènes de viol, par exemple, ne tombent jamais dans la complaisance. La réalisatrice choisit la suggestion, l’émotion pure. Le corps d’Eva est filmé avec respect, presque sanctifié par la mise en scène. À travers les gestes, les silences et les regards, The Bride dépeint le calvaire d’une jeune femme en quête de liberté dans un monde qui ne veut pas l’entendre.

L’intelligence artistique de Myriam Birara se manifeste dans cette alliance entre réalisme et poésie visuelle. Chaque plan est porteur de sens, chaque silence pèse comme une parole non dite. Le spectateur devient témoin d’une tragédie, mais aussi d’une lente réappropriation de soi. Eva, malgré la douleur, trouve une lueur d’humanité dans son amitié avec la cousine de son bourreau, une relation simple, fragile, mais essentielle à sa survie.

Une cinéaste en pleine ascension

Née en 1992, Myriam Uwiragiye Birara appartient à cette nouvelle génération de cinéastes africains qui repoussent les frontières du cinéma rwandais. Autodidacte, diplômée en finance, elle s’est faite remarquer avec ses courts métrages avant de conquérir la scène internationale. Son film Imuhira (2021) a été primé au Festival international du film de Locarno et a voyagé dans les festivals de Londres, Melbourne et Kigali. Avec The Bride, son premier long métrage, elle franchit un cap. Présenté en 2023 à la Berlinale (section Forum), le film a reçu une mention spéciale du jury pour le prix GWFF du Meilleur Premier Film, avant de remporter plusieurs distinctions prestigieuses à Las Palmas, Québec, Chicago et Khouribga  où il décroche le Grand Prix Sembène et le Prix de la Critique 2024 au Festival international du film africain de Khouribga (Maroc).

Avec The Bride, Myriam Uwiragiye Birara offre une œuvre aux cinéphiles une œuvre à la fois poétique et politique. Son cinéma, ancré dans les réalités africaines, parle au monde entier. Dans la douleur d’Eva se lit celle de milliers de femmes réduites au silence. Mais au-delà des larmes, The Bride est aussi un film de lumière, une promesse de renaissance, un appel à la compassion et à la justice.

Abraham Bayili et Agathe OUEDRAOGO

Laisser un commentaire