Burkina Faso: décès du bluesman Victor DEME

En pleine crise socio-politique, le Burkina Faso est endeuillé par la disparition de l’un de ses joyaux, le guitariste et chanteur Victor Démé. Le bluesman burkinabè est décédé d’une crise de paludisme le lundi 21 septembre 2014, à Bobo-Dioulasso, sa ville natale. Il avait à l’âge de 53 ans.

Victor DEME pratique son art comme il vit. Naturellement, en toute simplicité et sans arrière-pensées professionnelles. « Enfant et adolescent, je passais mon temps à chanter. J’étais inspiré par ma grand-mère maternelle, Aminata, célèbre griotte du quartier de koko, à Bobo Dioulasso. Les gens ne cessaient de me complimenter».

Pur autodidacte, il n’hésite pas à se mettre à la guitare, plaquant des accords sur des textes simples qui chantent l’amour, l’amitié, la tolérance, les femmes, mais aussi ce qu’il assimile à des souffrances : l’exode. « Il ne faut jamais oublier ses racines » ne cesse t-il de clamer.

Pendant trente ans, il exerça son métier de tailleur en parallèle de sa passion pour le chant. Sa carrière débute presque par hasard, à la fin des années 1970, entre son métier de couturier et ses vocalises, lorsqu’il est présenté par une amie à Abdoulaye « Djoss » Diabaté, leader du Super Mandé, groupe phare à cette époque. Victor DEME y officie plus de sept ans comme choriste en Côte d’Ivoire avant de rentrer au Burkina Faso. « Mon plaisir, c’est le micro. Je voulais chanter mes propres compositions».  A Ouagadougou, il se produit dans différents groupes comme l’Écho de l’Africa ou le Suprême Comenda, qui animent les nuits chaudes de la capitale.

Après plus de trente ans à avoir écumé les scènes d’Afrique de l’Ouest, DEME sort en 2008 avec l’aide de deux jeunes français Camille Louvel et David Commeillas ; son premier album aux multiples influences musicales. Sorti sous le label « Makasound », cet opus intimiste offre une douzaine de compositions aux tonalités mandingues auxquelles se mêle un blues-folk traditionnel servi par une voix à la fois puissante et chaleureuse. Dès sa sortie, « Makasound » charme aussitôt les mélomanes qui se l’arrachent comme du pain.

Il est vrai que ce premier opus est sorti  au moment ou l’artiste venait de compter ses 46 ans de naissance ; mais comme le dit l’adage populaire, il n’est jamais assez tard pour bien faire les choses. L’album est vendu 40 000 exemplaires. Salué par les publics parisiens, DEME est incontestablement la découverte de l’année 2008. Au paravent, il avait enregistre une vingtaine de titre entre 2006 et 2007, après son passage au festival « Ouaga Hip hop ».

Pourtant ; il aura fallu plusieurs rencontres opportunes pour que son talent soit enfin reconnu. « J’ai tout de suite apprécié le style et la voix. L’étendue de ses influences musicales est assez rare chez un compositeur », explique Camille Louvel, qui l’a repéré en 2004 lors de la Semaine nationale de la culture du Burkina, avant de le faire enregistrer trois ans plus tard à Ouaga Jungle, le studio-résidence qu’il a créé.

Timide, voire effacé, sauf lorsqu’il empoigne sa guitare, Victor Démé s’étonne de son succès. Il s’en excuserait presque. « Il a eu comme une envie de laisser tomber », affirme Camille Louvel. Il faut dire que pendant deux ans un redoutable virus lui a rongé les gencives et a bien failli avoir raison de ses interprétations. Mais son entourage l’a convaincu de persévérer.

Sur sa lancée, il peaufine déjà un second album intitulé « Déli ». «J’ai de nombreux textes dans les tiroirs ». Les tournées et les succès s’enchainent un peu partout en Europe mais surtout en France. En 2014, le duo électro Synapson  remixe son tube « Djon Maya » élargissant ainsi l’audience de l’artiste, qui s’apprêtait à présenter au public son nouvel album, Yakafé.

 

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