Burkina Faso: Amnesty International déplore les exactions des milices kogleweogo

Le projet de Constitution contenait des dispositions qui, si elles étaient mises en œuvre, renforceraient la protection des droits humains. Des informations ont fait état de torture et d’autres mauvais traitements en détention, et les conditions carcérales demeuraient déplorables. Les taux de mortalité maternelle et de mariages précoces et forcés restaient élevés. Des groupes armés ont commis des atteintes aux droits humains.

EVOLUTIONS LÉGISLATIVES, CONSTITUTIONNELLES OU INSTITUTIONNELLES

En décembre, un projet de Constitution a été soumis au président pour approbation, avant son adoption définitive par référendum ou par le Parlement. Ce texte comportait des dispositions visant à améliorer la protection des droits humains, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, l’égalité entre les genres, la protection des femmes et des filles contre la violence et l’abolition de la peine de mort, ainsi qu’à renforcer l’indépendance de la justice.

En juin, l’Assemblée nationale a adopté un texte législatif visant à protéger les défenseurs des droits humains. En juillet, une nouvelle loi a habilité la Haute Cour de justice à juger les membres du gouvernement pour les infractions commises durant leur mandat ou en lien avec celui-ci. Le même mois, le gouvernement a adopté une loi autorisant le procureur militaire à engager des poursuites pénales contre des civils dans le cadre de procédures qui ne seraient pas visées par le Conseil supérieur de la magistrature, organe qui, entre autres, est chargé de veiller à l’indépendance du système judiciaire.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Des détenus de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), la principale prison de la capitale, ont déclaré avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements, la plupart du temps au cours de leur arrestation ou de leur garde à vue, souvent dans le but de leur extorquer des « aveux ». Plusieurs ont affirmé avoir été détenus arbitrairement sans inculpation pendant plus de deux semaines. Quatre détenus ont déclaré qu’aucune mesure judiciaire n’avait été prise quand ils avaient signalé avoir été torturés.
Plusieurs militaires, jugés en avril pour conspiration dans l’affaire du pillage du dépôt d’armes de Yimdi en janvier, ont affirmé devant un tribunal militaire de Ouagadougou avoir été torturés au cours de leur détention à la gendarmerie ou à la MACO.

DETENTION

De nombreuses prisons étaient toujours surpeuplées. Par exemple, 1 900 personnes étaient incarcérées à la MACO, pour une capacité de seulement de 600 détenus. Les conditions carcérales demeuraient déplorables, notamment en raison du manque de nourriture et de soins médicaux adaptés. En juin, cependant, des représentants du ministère de la Justice ont déclaré être en train d’élaborer un plan stratégique pour améliorer les conditions de détention.

IMPUNITE

Le procès de l’ex-président Blaise Compaoré et de 32 anciens ministres devant la Haute Cour de justice a été repoussé à plusieurs reprises. En juin, la procédure a été temporairement suspendue par le Conseil constitutionnel. Blaise Compaoré était inculpé de faits de coups et blessures volontaires, de complicité de coups et blessures, d’assassinats et de complicité d’assassinat dans le cadre des manifestations d’octobre 2014. L’ex-président et son ancien chef de la sécurité, Hyacinthe Kafando, étaient toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

En mai, un mandat d’arrêt international a été décerné à l’encontre de François Compaoré, frère de Blaise Compaoré, en lien avec le meurtre du journaliste d’investigation Norbert Zongo en décembre 1998. François Compaoré a été placé sous contrôle judiciaire en France, son pays de résidence, dans l’attente d’une décision sur son éventuelle extradition au Burkina Faso.

Quatorze personnes devaient être jugées pour le meurtre de l’ancien président Thomas Sankara ; trois d’entre elles étaient toujours en détention.
Les résultats d’une enquête sur la tentative de coup d’État de septembre 2015 ont été remis à la chambre d’accusation pour qu’elle rende sa décision en octobre ; au moins 106 personnes, parmi lesquelles 40 civils, dont un étranger, ont été inculpées d’attentat contre la sûreté de l’État, de crimes contre l’humanité et de meurtre, entre autres chefs d’accusation. Plus de 20 d’entre elles se trouvaient toujours derrière les barreaux à la fin de l’année. Le général Djibril Bassolé est sorti de prison en octobre et a été placé en résidence surveillée. En décembre, le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU a appelé à sa libération.

DROITS DES FEMMES

En raison de la pénurie de matériel médical, de médicaments et de personnel dans les hôpitaux, les femmes et les nouveau-nés étaient exposés à de graves risques de complications obstétricales, d’infection et de mort. Au moins 100 décès maternels ont été recensés au cours des six premiers mois de l’année dans l’un des deux principaux hôpitaux publics de Ouagadougou. Dans l’un de ces hôpitaux, les sages-femmes, débordées, pratiquaient jusqu’à 25 césariennes par jour et, faute de moyens, certaines patientes dormaient à même le sol, parfois sans draps.

Aucun progrès n’a été réalisé pour concrétiser l’engagement pris par le gouvernement en 2016 de relever l’âge légal du mariage pour les filles. Dans la région du Sahel (nord du pays), plus de 50 % des adolescentes âgées de 15 à 17 ans étaient déjà mariées. Le taux de mutilations génitales féminines a continué de diminuer, mais ces pratiques, quoiqu’illégales, demeuraient répandues.

EXACTIONS PERPETREES PAR DES GROUPES ARMES

Les kogleweogo, milices d’autodéfense constituées principalement de fermiers et d’éleveurs, ont cette année encore commis des atteintes aux droits humains, telles que des passages à tabac et des enlèvements, bien que le ministre de la Justice se soit engagé en décembre 2016 à réguler leurs
activités.

Des représentants du ministère de la Justice ont affirmé que des membres de ces milices avaient battu un homme à mort dans la ville de Tapoa, en janvier, à la suite d’un vol présumé de poulet. En mai, six personnes, dont quatre membres de kogleweogo, ont trouvé la mort dans des affrontements entre des habitants et ces milices à Goundi. Le même mois, le gouverneur régional a interdit les « groupes d’autodéfense » dans les provinces du Boulkiemdé et du Sanguié.

Selon certaines informations, des procès auraient été reportés à la suite de manifestations de kogleweogo cherchant à empêcher que leurs membres soient traduits en justice à Fada N’Gourma et à Koupéla.

Des groupes armés ont mené des attaques près des frontières malienne et nigérienne, tuant des dizaines de civils. Ils s’en sont pris également à des policiers et des militaires. Plusieurs attaques dans la région du Sahel ont conduit des représentants de l’État à quitter temporairement cette région.

Fin janvier, des hommes armés se sont rendus dans plusieurs écoles du nord du pays et ont menacé les professeurs de les forcer à appliquer l’enseignement islamique. Par la suite, des centaines d’écoles ont fermé leurs portes, notamment dans les provinces du Soum, de l’Oudalan et du Loroum.
Le groupe Ansaroul Islam a revendiqué les attaques menées contre des postes de police à Baraoulé et à Tongomaël les 27 et 28 février.

Le 3 mars, un groupe armé a tué le directeur d’une école et un habitant de Kourfayel, un village de la province du Soum. En août, au moins 19 personnes ont été tuées et plus de 22 autres blessées dans l’attaque d’un restaurant à Ouagadougou. Cet attentat n’a pas été revendiqué.
À deux reprises, en septembre et en novembre, des groupes armés ont mené des attaques dans le Soum, tuant au moins neuf personnes.

Source: RAPPORT ANNUEL 2018, Amnesty-Burkina Faso