Dimanche 31 aout 2014, nous nous rendions au cimetière municipal de Gounghin pour un dernier hommage à l’artiste Traoré Amadou Balaké. Une fois sur place, nous nous rendions compte que la dernière demeure de celui que nous pleurions depuis le 27 aout dernier est à quelques mètres de celle de Sotiguy Kouyaté rappelé à Dieu le 17 avril 2010. Alors une question nous parvînmes à l’esprit. Où sont les tombes des autres hommes de l’art, des lettres, des sciences,…, du Burkina Faso ? Il est aujourd’hui difficile voire impossible d’indiquer le lieu de repos éternel de certaines personnalités qui ont marqué d’une ancre indélébile l’histoire de ce pays jadis la Haute Volta. Un panthéon burkinabè et si on y pensait.
La ville de Ouagadougou regorge des monuments qui font la fierté des burkinabè même si la plupart de ces édifices sont des « monuments nains ». Le monument des « héros nationaux » a été érigé par l’Etat burkinabè pour rendre hommage aux fils et filles de la nation supposés être des héros nationaux. Il est situé coté Sud de la capitale et se présente comme un édifice qui sépare Ouagadougou (les quartiers populaires) de Ouaga 2000 (quartier résidentiel de haut standing). Le mémorial a été construit en s’appuyant sur des symboles d’expression de la culture nationale. Au Nord de la capitale, un autre édifice est dédié aux martyrs de la nation. Malheureusement, le monument des martyrs dans le quartier populaire de Tampouy, est martyrisé par les populations riveraines : dépôt d’ordures de tous ordres et nid des malfrats. Le dénominateur commun à ces deux édifices, c’est qu’ils ont été construit pour le souvenir des héros et héroïnes et la lutte des dignes fils et filles qui par la sueur et le sang ont bâti la fière volta actuelle Burkina Faso. Contre la férule humiliante et la rapacité venue de loin, ils ont écrits les belles pages de l’histoire de ce pays. Ils sont légions ces hommes et ces femmes avant ou pendant le peuplement du territoire, lors de la traite négrière, sous la colonisation et sous le soleil désappointé des indépendances à défendre la patrie, à l’honorer et à la valoriser. Ces personnes sont à recruter dans presque tous les secteurs de la vie humaine : la défense nationale, les arts et lettres, les sciences, le sport, les droits de l’Homme, la politique, la médecine, etc.
Il est aujourd’hui difficile voire impossible d’indiquer ou de ou de retrouver les tombes de certains personnages qui ont par l’histoire de la nation. Toutefois, il est encore possible et pour la postérité de réunir en seul espace les tombes ou les restes de ces personnages exceptionnels de l’histoire contemporaine du Burkina Faso. Cet espace aura donc pour vocation à honorer de grands personnages ayant marqué l’histoire du pays des Hommes intègres. L’espace pourrait par exemple s’appeler « le temple du repos éternel», dans une des langues nationales. Un monument au sens propre du terme pourrait être érigé au cœur de cet espace ; lequel espace devra être ouvert au public et géré par le département ayant en charge le patrimoine des sites protégés et classés. L’on pourrait lire sur le monument l’inscription suivante : « …ne meurt jamais », dans une des langues nationales. Le temple du repos éternel sera ainsi, un temple républicain de mémoire collective. Il sera à la fois le lieu d’inhumation des grands hommes de la patrie, un lieu de pèlerinage et de visites touristiques. Les personnages peuvent être entre autre, Tiéfo Amoro, Guimbi Ouattara, Naaba Koom II, Dimdolobson, Phillipe Zinda Kaboré, Yalgado Ouédraogo, Joseph Ki Zerbo, Nazi Boni, Ouézzin Coulibaly, Norbet Zongo, Maurice Yaméogo, Thomas sankara, Sangoulé Lamizana, Amadou Bouro, Pr Jean Pierre Guingané, Georges Ouédraogo, Djata Ilboudo, Jeanne Bicaba, Nick Dombi, Black So Man, Patrick G. Ilboudo, Pr Acry Coulibaly, Georges Namoano, le parachutiste Moumouni Ouédraogo, etc.
Ces personnages légendaires seront honorés par des tombes ou des urnes funéraires. Le transfert des « ossements humains » de ceux rappelés à Dieu depuis lors devront se faire selon les us et coutumes, les traditions et les croyances des illustres disparus. Toutefois, cette opération pourrait être confrontée au refus des populations. En Afrique en général, il n’est pas bienséant d’exhumer un corps encore moins de transférer ces ossements à un autre endroit. Si le refus est avéré comme se fut le cas en France pour les familles de Charles Péguy et Albert Camus en 2009, des stèles pourront être construites en la mémoire des personnages burkinabè admis être « panthéonisés ». L’exemple de la «panthéonisation » d’Aimé Césaire pourrait être aussi un cas d’école pour le Burkina Faso. Conformément à la volonté du poète français, son corps est resté en Martinique, mais une stèle lui rend hommage dans le panthéon français. En effet, la plaque dédiée à la mémoire de l’inventeur de la Négritude et à son œuvre a été dévoilée le mercredi 6 avril 2011, en présence du président français ; Nicolas Sarkozy. Lors de cette cérémonie, près d’un millier de personnes étaient invitées dont la famille de l’illustre disparu et ses proches. Parmi les invités il y avait également, une centaine d’élèves des Lycées et collèges de la Martinique et de la métropole, notamment du lycée parisien Louis-le-Grand et de l’École normale supérieure, dont Aimé Césaire fut l’élève. Cet hommage avait consisté entre autres à la lecture d’un de ses poèmes et à la diffusion d’un film de huit minutes sur sa vie, réalisé par la cinéaste Euzhan Palcy. Une fresque monumentale, constituée de portraits évoquant les grandes périodes de la vie du poète, a été installée au cœur de la nef. La cérémonie était retransmise en direct sur les chaînes de télévision françaises France 2 et France Ô et sur des écrans géants installés à l’extérieur du bâtiment.
En ce qui concerne le Burkina Faso, le choix de l’inhumation d’une personnalité historique au temple du repos éternel; devra revenir à l’assemblée nationale des députés qui vont proposer et décider sous forme de loi. Les familles ou les structures non gouvernementales et les organisations de la société civile porteront et défendront les candidatures des illustres personnages à qui l’on donnera l’hommage ultime de « grand homme » en ce lieu de sépulture nationale voulue par la république.
La création du concept de Panthéon français, est intervenue vers la fin du XVIIIe siècle. C’est à la mort de Mirabeau, le 2 avril 1791, que l’intelligence française s’est mise à songer à imiter l’Angleterre qui réunissait les tombes des grands hommes dans l’abbaye de Westminster. La panthéonisation est une ancienne tradition reprise des Egyptiens et qu’ont suivie ensuite les Grecs puis les Romains. Un panthéon burkinabè …et si on y pensait dès maintenant.
Abraham Bayili